Mise en commun des connaissances locales : un entretien avec Gajendra Singh Pun

par R_Nisbet_trans.S.Verclytte | 10 juin 2020
catégories : nepal, programme1

Pour en savoir plus sur le nouveau projet de gestion intégrée des ressources en eau de l'IRHA dans le district de Kaski au Népal, Rachel Nisbet (RN) s'est entretenue avec Gajendra Singh Pun (GSP), chef d'équipe de Kanchan Nepal. Ayant construit des systèmes de collecte des eaux de pluie pour alimenter son foyer en eau, M. Pun est convaincu de l'intérêt d'utiliser la pluie comme ressource en eau. Depuis qu’il a installé son système de collecte des eaux de pluie, il n'a jamais eu à acheter de l'eau à un camion-citerne, et il aimerait que les habitants des centres urbains de Pokhara et de Katmandou bénéficient de ce système de la même manière. Ayant travaillé dans le secteur de l'eau et de l'assainissement pendant des années, il reconnaît également que les eaux souterraines sont une ressource importante dans de nombreuses parties de son district. Il a donc recentré les projets du Kanchan Nepal pour s'assurer que les précipitations sont retenues dans les bassins versants, en utilisant des structures comme des étangs (ou pokharai).

RN : Qu'est-ce qu'un pokhari ?

GSP : Les pokharis sont un moyen traditionnel de recueillir l'eau lorsqu'il pleut, en cas d'inondation, ou de stocker l'eau qui déborde des sources naturelles. Cette eau peut être utilisée par le bétail et pour laver les vêtements ou la vaisselle, par exemple. L'eau mise en commun peut également être utilisée pour l'irrigation des cultures. Cependant, les pokharis sont généralement utiles pendant la saison sèche pour l'élevage du bétail.

RN : Comment vous souvenez-vous des pokharis de votre enfance ?

GSP : Il y avait un pokhari au milieu de mon village. Il était utilisé pour l'élevage du bétail pendant la saison des pluies et la saison sèche. Nous avions l'habitude de nager et de jouer avec notre bétail (des buffles) dans les étangs, sur leur dos, car les buffles aiment nager dans le pokhari. Pendant la saison des pluies, le pokhari avait une profondeur de 2 à 3 mètres. En fait, nous apprenions à nager dans ce pokhari.

RN : Comment les pokharis ont-ils changé ?

GSP : Pour qu’un pokhari soit stable, il faut laisser les buffles y jouer. De nos jours, les gens ont moins de bétail qu'avant. Les déplacements des buffles sont donc moins nombreux aujourd'hui. La plupart de ces étangs se sont asséchés et ne contiennent plus d'eau pendant la saison sèche. Même la communauté locale a ignoré ces changements, et n'a pas réussi à conserver ces pokharis. Le changement climatique est un autre facteur qui affecte le statut des pokharis. Le gouvernement local a essayé de les préserver. Mais un manque de compréhension du rôle des pokharis dans les écosystèmes locaux et une certaine approche technique qui utilise du ciment pour consolider les étangs, ont empêché leur restauration. Le développement de routes et d'énormes infrastructures à proximité des pokharis, accompagné de systèmes de drainage inadéquats, contribuent également à l'assèchement des étangs. Le manque de connaissances des communautés sur la recharge des nappes phréatiques leur a permis d'identifier l'importance de restaurer les pokharis traditionnels.

RN : Quel sera l'impact de la restauration des pokharis dans la région ?

GSP : Notre zone d'intervention est l'une de celles où l'eau est la plus rare dans le district de Kaski. Kanchan Nepal travaille à l'amélioration de l'eau et de l'assainissement dans cette région des collines depuis 2008, grâce à des interventions telles que les écoles bleues. Pourtant, les versants des collines orientés vers le sud n'ont plus de sources actives, ils sont tous secs. Les sources d’eau existantes, comme les pokharis et les sources, s'assèchent également à des altitudes plus élevées dans cette partie de la région des collines. Notre projet de gestion intégrée des ressources en eau contribuera à restaurer les ressources en eau existantes. Le projet comprend la collecte des eaux de pluie, la protection des sources, la construction de petits barrages de retenue, la réhabilitation des pokhari et la plantation de parcelles de forêt pour ralentir le ruissellement des eaux de pluie. Les infrastructures construites dans le cadre de ce projet permettront de retenir l'eau plus longtemps et donc d'augmenter le volume d'eau qui s'infiltre sous la surface pour recharger nos ressources en eau souterraine.

Le savoir local et indigène guide la manière dont nous allons restaurer les pokharis. Nous découragerons activement la construction de structures en béton pour retenir l'eau : c'est une piètre tentative d'imiter la fonction des pokharis (l'eau s'évapore plus rapidement et ne peut pas s'infiltrer dans le sous-sol). Nous encourageons la communauté locale à participer directement à cet effort, car la restauration des bassins augmentera la nappe phréatique et améliorera l'accès de tous à l'eau. Je place beaucoup d'espoir dans cette initiative, qui aura un impact significatif sur le bien-être de la communauté locale, et qui sera à l’origine de nombreuses et belles histoires que nous pourrons partager.

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